au-delà de l'or #carnetdevoyage #92

« Venez! Venez! Nous montons vers les montagnes du nord! Nous montons vers les montagnes du nord! »

Pour mes vingt ans, j'ai reçu un fusil alors que je rêvais d'ailes. On m'a donné du plomb alors que j'espérais l'or. On m'a imposé la soumission et la contrainte alors que je n'aspirais qu'à l'évasion et à la liberté. On m'a ordonné, rabaissé, rapetissé alors que je ne rêvais que de paix, d'ailleurs, de terres sauvages, de grand air, de ciels et de lacs infiniment bleus, de mers baignées de soleil et d'apesanteur.

« Venez! Venez! Nous montons vers les montagnes du nord! »

« Nous sommes bien là où nous sommes, nous sommes bien là où nous sommes! » se plaisent à répondre toutes les bonnes oies domestiques qui ont à cœur de suivre les consignes dans leurs enclos. « Ne soyez pas bécasses, celles-là vont souffrir tant et plus de la faim et du froid! » s'entêtent à jacasser les vieilles cheffes revêches - ces oiselles de mauvaise augure au chantage se rapportant à leur plumage - si l'une ou l'autre de leurs oies blanches battaient des ailes comme si elles avaient envie de les rejoindre. « Oh là là ! Ce ne sont pas des oies, ce ne sont que des moutons, ce ne sont que des moutons! » s'amusent à répéter les oies sauvages en rasant le sol et riant fort, faisant virevolter la poussière accumulée depuis la nuit des temps sur notre petite terre pas plus grande qu'une basse-cour.
 
Juin 1992, à la prochaine bande qui passe, je file à tire-d'aile avec elle.